LOUlou

Qu’est-ce donc que cet animal poilu à noeud papillon qui déambule au crépuscule ? Un loup, ça ? Non mais vous plaisantez.
Que reste-t-il du loup des légendes scandinaves, de la bête du Gévaudan, du passeur d’âmes Anubis dans l’Egypte Ancienne ? Ou est passé le redoutable loup des frères Grimm dans les livres pour enfants ? Ni tout à fait loups ni tout à fait chiens, les nouveaux LOUS se mettent en scène dans ces poèmes imagés. Grand LOU, vestige d’une gloire passée, s’oppose à un lou mini, miroir d’un loup polissé. Tous deux semblent avoir perdu leur P mais pas leur toupet.

Le loup a toujours été une figure psychopompe dans de nombreuses cultures : « Animal à la fois négatif et positif, médiateur psychopompe en rapport direct avec l’au-delà, le loup fut aussi l’incarnation de la lumière en Chine, en Europe du Nord et en Grèce, où il fut, le compagnon privilégié d’Apollon lycien et hyperboréen» Bernard Marillier, «Le loup», Ed. Pardès.

Inspiration : Gregory Crewdson / Helena Blomqvist / William Wegman / contes traditionnels
Technique : en forêt obscure avec mon propre chien et un chien voisin. Création des textes.

On raconte que tous les LOUS sont grands et poilus,
Qu’ils reniflent les terres desséchées et dépeuplées,
Que leur poil est imprégné de soufre et d’origan,
Qu’ils exècrent le velours et l’astrakan,
Mais qu’ils repassent chaque matin leur petit nœud de soie délicat.
On raconte que tous les LOUS grands et poilus
Se repaissent de clavaires et clavicules ;
Qu’ils râlent et entonnent d’étranges mélopées les jours de bruine,
Qu’ils collectionnent les débris de lune pour aiguiser leurs canines,
Mais qu’ils préfèrent en certaines occasions
Un dentifrice tripe action.
On raconte que tous les LOUS grands et poilus
Se nourrissent d’écorces de chêne et de cendres de havane,
Qu’ils exécutent de précieux pas de danse
Tous les samedis soirs dans les clubs les clubs tendance.

Moi je connais un lou mini
Qui a chez lui tout plein de produits
Pour rendre sa maison vernie et polie.
Jusqu’à l’aube il récure, dégraisse, astique,
Et ce même sans gants en plastique.
J’ai vu ce lou mini
Faire en travaillant des bulles de savon orangées 
Aux passantes en quête d’émotions colorées.
J’ai vu ce lou mini 
Épousseter les vieux rêves irréalisés,
Passer les cauchemars à l’eau de Javel,
Laver les oreillers avec de l’eau sucrée,
Déboucher les canalisations engorgées de fiel,
Et balayer les tracas, tourments et tournis
Des filles qui, une nuit, 
Auraient croié un LOU grand et poilu endormi.

On raconte que les LOUS grands et poilus
Egrènent des milliers de minutes à se prélasser sous la lune
Qu’ils passent d’innombrables heures
A créer des tracas et des leurres
Pour ensuite les recracher dans les poches des promeneurs
Comme autant de vipères colériques
Qui vous dévoreraient volontiers
Accompagné d’une portion de frites.
On raconte que tous les LOUS  grands et poilus
Reniflent et râlent
Pendant leur phase de sommeil paradoxal.
Qu’ils mijotent en dormant
Des tourments et des cauchemars
Pour les passantes qui auraient l’impertinence 
De déranger leur sommeil peinard.
On raconte que les LOUS grands et poilus
Ne rechignent pas de temps en temps
À faire des vents bruyants
Les soirs où ils n’ont pas d’imagination
Et qu’ils ont raté leur programme préféré sur Canal LOU Fripon.

Moi je connais un lou mini 
Qui en avait marre d’être mini,
Toujours rikiki,
Si rikikikikiki
Que qui que ce soit
Le confondait avec le sous-bois.
J’ai vu ce lou mini
Récolter des gouttelettes de pluie
Et planter des fraisiers
Pour enchanter les passantes pressées
Et leur murmurer : 
« Regardez bien, et vous verrez un loup mini
Qui se sent seul et cherche votre compagnie. » 
J’ai vu ce lou mini
Trembler et se dissimuler derrière des conifères
À la vue du premier rayon lunaire.
Je l’ai vu colimaçonné et pétrifié,
N’osant plus bouger,
Au son d’une étrange mélopée
Échappée de la gueule d’un LOU grand et poilu.

On raconte que les LOUS grands et poilus
Adorent les jeux de l’inconnu.
Que le premier qui sera vu et entendu sera perdu.
Ainsi, tous les 32 du mois, tous les LOUS grands et poilus
S’ennivrent de jeux de cache-cache, d’ombre, de malice,
De poursuites, d’indices, de pains d’épices,
De lumière lunaire et de plumes de ta grand-mère.
Les uns crapahutent sur de hauts rochers
Pour y semer leur carte d’identité.
D’autres se travestissent, restent immobiles et patelins,
Espérant se confondre avec les pins.
La plupart d’entre eux se font des schampoings 2 en 1
Pour dissimler leur venin.
D’autres encore brouillent les pistes
En s’inventant des pseudos fantaisistes.
Ainsi, tous les 32 du mois, tous les LOUS grands et poilus
S’amusent jusqu’à l’aube, repus.

Moi je connais un lou mini
Qui perd toujours aux jeux de l’inconnu.
Il est toujours le premier à être vu et reconnu.
Personne ne lui a jamais appris les règles du jeu,
Ni à changer de nom, juste pour une heure ou deux.
Lou mini ne sait pas très bien comment se déguiser.
Il ne possède pas de poudre de soleil, ni de fer à frser.
Il ne voit pas comment du maquillage 
Pourrait le changer en mirage.
Il ne possède aucun indice,
Ignore la définition du mot « malice » 
Et ne connaît pas la recette du pain d’épices.
Parfois sur son chemin il trouve des cartes d’identité
Que les LOUS grands et poilus ont semées.
Mais leurs noms sont des noms de LOUS grands et poilus,
Et LOU mini ne peut pas se faire passer pour un LOUP grand et poilu.

On raconte que les LOUS grands et poilus
Vont régulièrement chasser des secrets défendus
Sur des sentiers disparus.
Ils les accumulent savamment et patiemment
Sur leur langue qu’ils ne sauraient délier,
Même pas pour un voyage gratuit en jet privé.
On raconte que les LOUS grands et poilus
Partent souvent à la pêche aux sarcasmes,
Qu’ils les choisissent plutôt mordants et vénéneux,
Dans des cloaques vaseux et visqueux.
Mais ils préfèrent parfois rester chez eux
À inventer les mensonges les plus fantaisistes
Afin d’ajourner leur rendez-vous chez le dentiste.
On raconte que les LOUS grands et poilus
Sa racontent des blagues de grands-mères
Et d’autres histoires drôles de petites filles au déserspoir
Tous les jeudis soirs à la Taverne du LOU Hilare.

Moi je connais un lou mini
Qui ne sait pas danser avec grâce
Ni chanter des mélopées,
Et encore moins faire des messes basses.
Il ne sait pas se déguiser,
Ignore la fabrication des rêves et des tourments,
Et ne sait pas faire des vents bruyants.
Mais il sait redonner aux oreillers la couleur des rêves oubliés,
Et saura vous dire en un instant
Quel est le dégraissant le plus puissant.
Tous les soirs dans son lit
Il ouvre des livres qu’il aime
Et lit les plus merveilleux poèmes.
Poèmes de lous minis,
Poèmes de LOUS grands et poilus,
Poèmes de lous timides,
Poèmes de lous tordus,
Poèmes de lous bruns,
Poèmes de loukoums,
Poèmes d’on ne sait où,
Poèmes de partout,
Et même de poèmes de loups plein de poux.
LOUS majuscules ou lous minuscules,
Il y a des LOUlous pour tous les goûts.